mercredi 11 décembre 2019

La grande inversion

Imaginez un peu... Le répertoire de la Chanson Française "classique" compte un nombre incommensurable de textes écrits par des hommes sur des femmes (ici en l'occurence, ce sont des poèmes mis en musique). 
Imaginez, que l'on inverse les rôles. Cela donne un résultat assez détonnant, presque subversif. 

Je souhaitais ouvrir cette petite fenêtre dans votre esprit, ni plus ni moins. 

Cette recette est applicable à l'infini.



Louis Aragon, chanté par Léo Ferré - Version "La grande inversion"



Tout est affaire de décor
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des hommes
Où j'ai cru trouver un pays

Coeur léger coeur changeant coeur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes nuits
Que faut-il faire de mes jours
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m'endormais comme le bruit

Est-ce ainsi que les femmes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien

Est-ce ainsi que les femmes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Dans le quartier Hohenzollern
Entre La Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient le torse de Diego
Il avait un coeur d'hirondelle

Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près de lui
Dans les hoquets du grand piano


Est-ce ainsi que les femmes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.

Il était brun il était blanc
Ses cheveux tombaient sur son front
Et la semaine et le dimanche

Il ouvrait à toutes ses bras nus
Il avait des yeux de faÏence
Il travaillait avec vaillance
Pour une baronne de Mayence

Qui n'en est jamais revenue.

Est-ce ainsi que les femmes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Il est d'autres dames en ville
Et la nuit montent les civiles
Remets du parfum dans ton cou
Diego qui t'en iras bientôt

Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton coeur
Un dragon plongea son couteau

Est-ce ainsi que les femmes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus




Antoine Pol, chanté par Georges Brassens - Version "La grande inversion"


Je veux dédier ce poème
A tous les hommes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets
A ceux qu'on connait à peine
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais
A celui qu'on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s'évanouit
Mais dont la solide silhouette
Paraît celle d'un athlète
Qu'on en demeure épanouie
Au compagnon de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu'on est seule, peut-être, à comprendre
Et qu'on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main
Au fin et souple danseur
Qui vous sembla triste et nerveux

Par une nuit de carnaval
Qui voulut rester inconnu
Et qui n'est jamais revenu
Tournoyer dans un autre bal
A ceux qui sont déjà pris
Et qui, vivant des jours bien gris
Près d'un être trop différent
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D'un avenir désespérant
Chères images aperçues
Espérances d'un jour déçues
Vous serez dans l'oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu'on se souvienne
Des épisodes du chemin
Mais si l'on a manqué sa vie
On songe avec un peu d'envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre
Aux cœurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu'on n'a jamais revus
Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lèvres absentes
De tous ces beaux passants
Que l'on n'a pas su retenir