samedi 16 mai 2020

Le Weekly Planet #94

Hier soir j'ai écouté de la musique particulièrement fort. J'ai ressenti le besoin d'aller écouter de "vieux" trucs, d'aller fouiller dans mon i-tunes, que je n'avais pas ouvert depuis 2016, vous vous rendez compte? C'est la faute de Youtube et Spotify, ça. 

Voilà, est-ce que maintenant mes préoccupations ne vont plus tourner qu'autour de ça? Le temps qui passe? Je vous avais dit que je l'écrirais, ce 100ème numéro du Weekly Planet, je ne suis pas loin hein? 
J'avais 27 ans à l'âge du #1. J'ai bientôt 37 ans à l'âge du #94. 
A mesure que les années passent, et que les Weekly Planet s'additionnent, je ne peux m'empêcher de maintenir éveillés tous ces souvenirs. De m'y replonger de temps à autre.
Les GAFA l'ont bien compris, avec leurs algorithmes et leurs archives Instagram, ils m'ont ferrée, ils ont ferré les gens comme moi, les "nostalgiques". Mais nous, on n'écoute pas la fameuse radio. Non. Nous, on se fabrique la nôtre.







Le chanteur et géologue IDIR est mort le 2 mai 2020. Sa disparition n'a pas fait les gros titres, coincée entre la pandémie et la mort de Christophe, de Bill Withers et de Manu Dibango. Il a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise. 
Et avec lui, sont partis des fragments de souvenirs de la jeune vie de couple de mes parents, alors qu'ils s'étaient installés quelques mois en Algérie, au début des années 80. 


A l'annonce de sa mort, ma mère, a écrit un texte en hommage à Idir que j'ai trouvé très beau. 

"Dans tes bras de guitare, A Vava Inouva, dans les hanches, dans la danse du ventre, 
ta musique m’a faite, bien des fois, me sentir Berbère peut être parce que je suis Catalane, 
de la langue opprimée.
J’ai humé tes terres au loin depuis Zemmouri où nous habitions et le vendredi venu, 
nous foulions tes sentiers, tes montagnes traversées de somptueuses Kabyles au pied du Djurdjura  qui inspirait le soir le souffle des étoiles.
C'était les années 80, tu étais à Paris, la Kabylie était belle. 
Je l’aimais profondément avec ses gens, ses sons, ses couleurs, ses artistes, ses enfants. 
C’était ma cerise sur le gâteau du dimanche.
Elle marquera à jamais ma vie..."

© Colette Planas





Pas évident d'enchaîner après ça.







Rares sont ceux qui font le chemin en sens inverse, de la France vers l'Algérie. Mon père est né en France, de parents Algériens. Vers ses 20 ans, il a souhaité tenter l'expérience d'y vivre quelques temps, comme je vous le disais précédemment. Le retour en France de mes parents (une Franco-Catalane et un Algéro-Catalan) a été accéléré par la perspective de ma venue au monde. 


Et voici une traduction approximative (merci l'Internet) du refrain du morceau de Rim-K et Reda Taliani:

"O bateau, mon amour
Fais-moi sortir de la misère
Dans mon pays, je suis opprimé
Je suis fatigué et j’en ai marre
Je ne raterai pas l’occasion
Dans mon esprit, ça fait longtemps
Elle (l’émigration) m’a fait oublier qui je suis
Je travaille pour elle [pour pouvoir émigrer] jour et nuit"





Loin d'avoir affaibli la connerie ambiante et les inégalités, la pandémie liée au Covid-19 n'a pas non plus arrêté le ballet des canots de fortune dans la mer Méditerranée. La quête d'une "vie meilleure" est bien plus partagée en ce bas monde, que les microgoutelettes.  





Je ne veux plus jamais que l'on me vole le printemps, comme on m'a volé le printemps 2020. Nous sommes le samedi 16 mai et j'ai l'impression que nous sommes le 16 mars. 
Cela fait deux mois que je tourne en rond, en long, en large et en travers. 





Moi qui au début trouvais reposant de ne plus voir "les gens", j'angoisse désormais à l'idée que je ne pourrai plus jamais être insouciante, boire dans le verre de mes ami.e.s, leur parler tout près, les prendre en photo tout près et goûter leurs plats.







J'me sens comme ce toutou.





L'extérieur est devenu menaçant, alors qu'auparavant, l'extérieur me faisait me sentir vivante. 
Ainsi, les mots "masques", "gestes barrières", "solution hydoralcoolique" ont remplacé les mots "soleil et odeur du chèvrefeuille/de la rôtisserie" (les odeurs typiques des Arceaux à Montpellier), "panaché et jus de tomate", "carignan/mourvèdre/syrah", "sentir le vent dans le nez et la bouche", "odeurs de transpiration dans un concert bondé"... 






Et vous ce serait quoi votre bilan de ces deux derniers mois? Vous avez fait comme Zidane et Christina Milian? Du sport et de la cuisine? Ou les deux en même temps? 
(A l'instar de cette pub avec Amel Bent dont j'avais parlé dans le Weekly Planet #90 ces photos de Christina Milian sont apparues dans mon fil d'actualité sans que je n'ai rien demandé. Encore ces foutus algorithmes?)







Zinedine "Zizou" Zidane par contre, je suis abonnée à son compte Instagram. C'est pour le Weekly.





L'une de mes découvertes réjouissantes de cette période si particulière, où la répétition des expressions "prenez soin de vous" et "sauvez des vies" a provoqué en moi des envies de meurtre, (ceci dit, ça m'a changé du "je reviens vers vous" (ah bon? mais tu étais parti.e où?) et "au jour d'aujourd'hui"), c'est la newsletter "Confiné.e.s" du magazine Society. Pertinente, allant à l'essentiel, ouvrant plein de petites fenêtres dans mon cerveau confiné. 



La newsletter ne s'est pas arrêtée avec le déconfinement, désormais elle est hebdomadaire, et toujours aussi bien exécutée. 





On sait déjà quel sera le tube de l'été 2020.














J'espère que vous appréciez toujours ces voyages sur ma planète. 
Et que la lecture du Weekly vous fait du bien au moral.


Je m'en retourne écouter ma playlist du temps passé.





A très très vite. Et prenez garde au défilé des algorithmes!



mercredi 8 avril 2020

Le Weekly Planet #93

Comme le dit Louis Aragon dans son poème, "Est-ce ainsi que les hommes vivent":
"Tout est affaire de décor"




Tout est affaire de décor. 
Plus que jamais depuis le début du confinement le 16 mars 2020, qui permet de jour en jour, un voyage intérieur.
Je vis plutôt bien cette période car elle me repose du rôle social que je dois tenir, de l'apparence que je dois "préserver", des interactions, parfois électriques ou tranchantes avec mes semblables, proches ou inconnu.e.s. 





Cette période me permet aussi ENFIN de rédiger un nouveau Weekly Planet, pour lequel j'ai collecté pas mal de contenu depuis trop longtemps. 

Bienvenue à bord de ce nouveau numéro "Seine Saint-Denis Style"!



Ce clin d'oeil au Suprême NTM n'est pas uniquement lié au fait que vous êtes en train de lire le numéro 93. 
Je me faisais récemment la réflexion que nos goûts en matière de rap sont clairement un baromètre de notre vieillesse. Le fameux "c'était mieux avant". Que vous le vouliez ou non, si vous n'aimez pas le rap produit actuellement, vous êtes vielles et vieux, ne cherchez pas.
Ce baromètre du rap est plus puissant que celui de tout autre style de musique, croyez-moi et faites le test (avec vos enfants si vous en avez, ou en écoutant skyrock "1er sur le rap" sinon - nom de radio empreint d'ironie d'ailleurs) !
Je profite de ce moment "hip-hop nostalgie" pour partager ci-dessous quelques photos-dossier de mon époque b-girl, qui doivent dater de 1999-2000.

Merci à Bob pour le montage photo! Et dédicace aux présents! Francky, Saïd, Nasser/Nalies, Zed, Renald and co..., I see you!









J'aime à penser que le film "Parasite" qui a eu la Palme d'Or en 2019 était annonciateur de cette période de confinement que nous partageons avec pas mal d'êtres humains sur cette planète. Vous ne trouvez pas?






Au départ, j'avais envisagé de faire un numéro spécial "naufrages". J'avais commencé à collecter des liens et des images à partager avec vous. Je me dis qu'après tout, le confinement est un cousin du naufrage, dans la mesure où il nous isole plus que jamais. Et quand on y échappe de justesse, il y a quelque chose de l'ordre du sacré qui nous traverse. C'est ce que m'a inspiré le récit de Maud Fontenoy entendu à la radio l'été dernier (quand je vous dis que je prépare ce numéro depuis longtemps!).  Cela dure trois minutes, prenez le temps d'écouter.

   






J'avais mis de côté une autre émission de radio qui m'a marquée et qui parle elle aussi, de naufrages. Ames sensibles s'abstenir.






J'aime bien cette émission de France Culture, "Les Pieds sur Terre", j'aime aussi son générique emprunté aux Troublemakers.






"LSD", la Série Documentaire est une autre émission passionnante. Ci-dessous, un épisode extrait du thème "Le sexe comme objet. Savoirs et Sexualité". J'étais tombée  dessus par hasard, durant un trajet en voiture, et j'avais appris l'existence de cette grande enquête sur la sexualité des Français.e.s au temps du sida. 






Cela en fait des choses à écouter, je le conçois... Après la lecture et l'écoute de ce nouveau numéro, vous aurez probablement envie de vous affaler. Et vous ferez bien.






Pour vous bercer dans ce moment de répit, je vous conseille la lecture des livres d'Alice Zeniter, auteure que j'aime beaucoup, et dont je viens de terminer "Jusque dans nos bras"





Nos angoisses et nos colères sont en quelques sortes des compagnons de route. Elles restent tapies, puis viennent déranger sans prévenir, puis s'assoupissent à nouveau.
La période de pause forcée que nous vivons actuellement permet d'une part à la nature de reprendre ses droits: 






Mais d'autre part, à des corbeaux de mauvais augure de mettre en lumière le risque de grossir alors que notre quotidien est considérablement ralenti. 
Je m'explique. J'ai vu fleurir depuis quelques semaines, des memes et articles énonçant avec plus ou moins de finesse, le "risque" de grossir pendant le confinement et des méthodes pour y échapper.

Au départ, j'ai ri moi aussi, et puis au bout d'un moment, je me suis dit que l'angoisse d'une pandémie était déjà bien assez grave pour y ajouter une angoisse fabriquée de toutes pièces par notre société capitaliste et patriarcale, la dictature de la bonne meuf et des abdos. 

La lecture de cet article, écrit par la personne derrière le compte instagram Corps Cools m'a permis de réaliser la puissance de cette aliénation:

Extraits:


Je ne comprendrai jamais pourquoi on félicite tant quelqu'un qui a perdu du poids et qu'on conspue celle ou celui qui a pris du poids (c'est souvent CELLE d'ailleurs). Ou qu'on imagine que la vie d'une personne bien gaulée (aka "mince") est beaucoup plus facile. Il m'est arrivé de le croire alors que je connais assez la nature humaine pour savoir que le bien-être est beaucoup plus complexe qu'une histoire de poids ou de silhouette. 
Profitons de ce moment de ralentissement de nos vies de fou, pour adopter l'amour de soi.







Et si nous avons faim, et si nous avons désormais le temps de cuisiner, et si manger et boire sont des plaisirs que le COVID-19 ne nous enlèvera pas, grand bien nous fasse.
Pour aller plus loin dans la dégustation, je vous conseille:
-   d'écouter le podcast "Bouffons"
- de vous abonner à la newsletter "Bouche Magazine" en cliquant sur ce lien:          http://bouchemagazine.com/
-   de faire votre liste des restos, bistrots où vous irez quand vous pourrez sortir à nouveau, et celle, rêvée, qui compte les endroits un peu lointains... (Je vous livre d'ailleurs mon numéro 1: äponem, qui n'est pas si loin de moi)
-    de ne pas oublier dans votre liste de courses les aliments et boissons qui vous réconfortent...





La vie à toute allure reprendra son cours bien assez tôt... Et nous songerons avec nostalgie au temps du confinement, vous verrez.


Merci d'être arrivé.e.s jusque là. A bientôt.


mercredi 11 décembre 2019

La grande inversion

Imaginez un peu... Le répertoire de la Chanson Française "classique" compte un nombre incommensurable de textes écrits par des hommes sur des femmes (ici en l'occurence, ce sont des poèmes mis en musique). 
Imaginez, que l'on inverse les rôles. Cela donne un résultat assez détonnant, presque subversif. 

Je souhaitais ouvrir cette petite fenêtre dans votre esprit, ni plus ni moins. 

Cette recette est applicable à l'infini.



Louis Aragon, chanté par Léo Ferré - Version "La grande inversion"



Tout est affaire de décor
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des hommes
Où j'ai cru trouver un pays

Coeur léger coeur changeant coeur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes nuits
Que faut-il faire de mes jours
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m'endormais comme le bruit

Est-ce ainsi que les femmes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien

Est-ce ainsi que les femmes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Dans le quartier Hohenzollern
Entre La Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient le torse de Diego
Il avait un coeur d'hirondelle

Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près de lui
Dans les hoquets du grand piano


Est-ce ainsi que les femmes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.

Il était brun il était blanc
Ses cheveux tombaient sur son front
Et la semaine et le dimanche

Il ouvrait à toutes ses bras nus
Il avait des yeux de faÏence
Il travaillait avec vaillance
Pour une baronne de Mayence

Qui n'en est jamais revenue.

Est-ce ainsi que les femmes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Il est d'autres dames en ville
Et la nuit montent les civiles
Remets du parfum dans ton cou
Diego qui t'en iras bientôt

Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton coeur
Un dragon plongea son couteau

Est-ce ainsi que les femmes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus




Antoine Pol, chanté par Georges Brassens - Version "La grande inversion"


Je veux dédier ce poème
A tous les hommes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets
A ceux qu'on connait à peine
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais
A celui qu'on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s'évanouit
Mais dont la solide silhouette
Paraît celle d'un athlète
Qu'on en demeure épanouie
Au compagnon de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu'on est seule, peut-être, à comprendre
Et qu'on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main
Au fin et souple danseur
Qui vous sembla triste et nerveux

Par une nuit de carnaval
Qui voulut rester inconnu
Et qui n'est jamais revenu
Tournoyer dans un autre bal
A ceux qui sont déjà pris
Et qui, vivant des jours bien gris
Près d'un être trop différent
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D'un avenir désespérant
Chères images aperçues
Espérances d'un jour déçues
Vous serez dans l'oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu'on se souvienne
Des épisodes du chemin
Mais si l'on a manqué sa vie
On songe avec un peu d'envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre
Aux cœurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu'on n'a jamais revus
Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lèvres absentes
De tous ces beaux passants
Que l'on n'a pas su retenir