"92, ôte ta blouse!"
Je viens d'aller relire le Weekly Planet #72 pour vérifier que je n'avais pas déjà fait ce jeu de mots tiré tout droit du vocabulaire du loto et autres bingos. Je n'avais pas été très sympa dans la conclusion de ce numéro, d'ailleurs.
Aujourd'hui c'est différent, j'ai envie de vous amener faire un tour sur la silvaplanet, pour un voyage qui vous fera gamberger, ou bien sourire ou bien les deux, qui vous fera m'aimer, je l'espère. Car c'est bien là le but de tenir un blog, non? "aimez-moi!"?
De toutes façons je ne peux plus compter les pauvres likes de mes nouvelles publications car j'ai fermé mon compte facebook.
Then, for the happy few, bienvenue à bord de ce Numéro 92!
Cette nuit, alors que je faisais une mini-insomnie, j'en ai profité pour terminer "Retour à Reims" de Didier Eribon, qui est sociologue et philosophe. J'avais découvert ce bouquin en écoutant "ça peut pas faire de mal", l'émission de Guillaume Gallienne (dont je suis une très grande fan).
Dans "Retour à Reims", Didier Eribon met en perspective son histoire, lui qui est issu d'un milieu social ouvrier et donc par définition, très éloigné du monde intellectuel, ainsi que son identité sexuelle d'homme gay, avec les mécanismes de domination de notre société (chers à Bourdieu) et le déterminisme social auquel il parvient à échapper, au prix de nombreuses désillusions. Mais son parcours génère aussi énormément d'espoir. Cette énergie, ce goût pour apprendre et comprendre qui caractérisent l'auteur, sont communicatifs.
Ses mots ont eu quelques résonances en moi, notamment sur la question de la honte et de la légitimité.
Un hasard de parcours et surtout une forme de naïveté, m'ont conduite en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) littéraire, "hypokhâgne" et "khâgne". En effet, quand ma professeur de Français en Terminale me suggéra de candidater pour intégrer ce cursus, je me sentis flattée et je me pris à y croire.
J'ai été acceptée, j'étais la seule de ma promo à avoir un nom à consonance maghrébine. Je me suis pris de plein fouet, le mépris des professeurs, qui ont saccagé ma naïveté de jeune adulte de 18 ans. La honte a pris corps dans ces échanges avec eux. J'ai de suite compris que je ne faisais pas partie du même monde que mes camarades, qui n'étaient pas forcément tous des bourgeois, mais qui avaient des codes que je ne possédais pas.
Je me suis toujours sentie en décalage, moi qui à l'époque, étais passionnée par la culture hip-hop et plus particulièrement, la danse. Cette culture issue des quartiers populaires, des minorités ethniques, que les autres élèves de ma classe avaient du mal à comprendre et dont ils se moquaient.
J'ai passé deux années à être tiraillée, à avoir la sensation que j'étais une imposture, et en même temps, à m'accrocher pour leur prouver que je n'étais pas plus bête qu'une autre, que je pourrais y arriver, comprendre ce qu'on attendait de moi.
J'ai réussi dans les matières les moins "nobles": les langues vivantes (Anglais et Espagnol) et un peu la philosophie, car mon professeur s'attachait à évaluer ma pensée, mon cheminement de réflexion, plutôt que mes références intellectuelles (qui étaient minces).
Didier Eribon dans "Retour à Reims", parle du choix de l'Espagnol plutôt que de l'Allemand au lycée, et réalise après coup, que c'était le choix des élèves les plus faibles du lycée, ceux issus des classes les plus populaires.
Après cette tartine 3615 "Ma Vie", je me dois de vous distraire un peu, avec l'aimable collaboration de graffitivre, qui a pris la température ça et là, des mouvements sociaux qui secouent la France depuis l'Acte 1 des Gilets Jaunes .
Des Brésiliens se sont carrément déguisés en "gilets jaunes" lors du Carnaval cette année.
Les préjugés ont la vie dure, n'est-ce pas? Je me suis régalée à découvrir cette chanson d'Anne Sylvestre, que j'écoutais quand j'étais enfant, mais dont j'ignorais jusqu'alors le côté militant et féministe !
"(...) Le cœur rempli d'espoir
Je voulais que ma manœuvreFût un vrai petit chef d'œuvre
Mais je n'entendais que trop
Tous les clients d'un bistrot
Me beugler leurs commentaires
"Mais passe-la, ta marche arrière!
Ah, j'vous jure, ah les nanas
Heureus'ment qu'on est là!"
Ces abrutis pleins de Pernod
Ils m'ont fait rater mon créneau (...)"
Les seuls freins qui existent mes soeurs, ce sont uniquement ceux que l'on se met. Perso, je connais tout un tas de reines du créneau.
(vous connaissez sans doute déjà mon admiration pour Daiana Ruiz!)
Moi qui détestais conduire, qui ai mis beaucoup de temps à obtenir mon permis, ironie du sort, j'exerce un boulot où je me déplace beaucoup en voiture. Et par conséquent, j'écoute beaucoup la radio. Grâce aux bons conseils de mon amie Estelle, je me suis branchée sur Divergence FM. J'adore les petits matins, avec le rituel de la chanson vintage vers 8h, du Jacques Brel ou du Edith Piaf, pour les plus connus. J'aime aussi leurs jingles, et plus particulièrement, cet extrait du film "Two days in Paris".
Un jour j'écrirai un texte sur le matin. J'aime le matin d'un amour incommensurable.
Bon, il est temps que je m'arrête là pour ce numéro 92. Je dois entre autres, poursuivre mon visionnage de la série "Les Sopranos", à laquelle je me mets enfin et dont je vous parlerai très probablement dans un prochain numéro.
Je n'ai jamais regardé Game of Thrones, vu que j'ai 10 ans de décalage, je m'y mettrai probablement en 2029.
En attendant de vous retrouver très bientôt, je pose ça là et je vous invite à la réflexion. Je suis heureuse de vivre une époque où tout un tas de personnes font bouger les lignes, où les représentations s'élargissent et où de nouvelles identités se construisent, dans la fierté et la sérénité.
Métèques de tous bords, outsiders, âmes contradictoires et contrariées, "minorités", tant que nous pensons, que nous refusons et que nous résistons, nous y sommes presque! La classe dominante et le patriarcat ne nous musèleront pas!